Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/85

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la bourgeoisie ne subira guère de modification jusqu’à la deuxième moitié du xixe siècle.

v. Les filles du peuple

Lorsque nous essayons de nous représenter quelle était la situation de l’enseignement des filles du peuple, notre embarras est plus grand encore. Sans doute les autorités civiles et religieuses ne sont-elles pas restées absolument indifférentes et, sans concevoir, comme l’État a été amené à le faire à l’époque contemporaine, la nécessité d’organiser à l’usage du peuple un enseignement obligatoire et gratuit, sans surtout avoir la volonté de l’établir partout et de l’imposer, du moins ont-elles aperçu l’intérêt qu’il y avait, pour des fins religieuses et civiles, à ce que la classe la plus nombreuse du royaume ne restât pas plongée dans les ténèbres de l’ignorance.

Dès le moyen-âge, le clergé s’était occupé d’organiser des écoles pour les garçons et pour les filles ; mais, la plupart du temps, celles-ci étaient bien moins nombreuses que celles-là. La Réforme donna une impulsion assez vigoureuse à l’enseignement populaire, protestants et catholiques cherchant par le moyen de l’enseignement à attirer ou à retenir les fidèles. Mais les guerres de religion firent péricliter ou disparaître un grand nombre de petites écoles établies dans les villes et les campagnes.

Au début du xviie siècle, les évêques furent frappés des progrès de l’ignorance et se préoccupèrent d’organiser dans leurs diocèses un enseignement. De nombreux mandements et ordonnances épiseopaux qui furent lancés aux xviie et xviiie siècles, dans les régions les plus diverses, en témoignent. Les évêques de la région normande, archevêque de Rouen, évêques de Séez et de Coutances, ceux du Languedoc et du Poitou, régions où il fallait se défendre contre les progrès de l’hérésie, se montrèrent particulièrement zélés. Pourtant, leur préoccupation essentielle reste l’enseignement des garçons et, lorsqu’ils s’occupent de l’enseignement des filles, c’est le plus souvent accessoirement et pour éviter que, suivant un usage fréquent comme nous le verrons et contraire à la morale, les filles ne se trouvent, dans les classes, mélangées avec les garçons. Mais le xviie siècle est l’époque où se créent un très grand nombre de congrégations qui, bien qu’elles distribuent, comme nous l’avons vu, l’enseignement aux jeunes filles de la bourgeoisie, sont vouées tout spécialement à l’enseignement des filles du peuple ; Ursulines, Augustines, Visitandines, Bernardines fondent des cou-