Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/103

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énormes écrites en clous luisants sur le bois sombre des immenses armoires rustiques. Ma vue se trouble et ma raison ballote dans un vertige continuel.

Dieu seul est en droit de faire un miracle, si les miracles se font toujours.

Un vieil abbé humain se penche en confesseur sur ma conscience éplorée et récalcitrante. Perçoit-il toujours sous l’épave, le bouillonnement intense d’une source qui ne veut pas tarir ?

… Si j’ai connu des femmes ? oui, bien sûr ! Mais la femme, non ! Qui pourra jamais prétendre avoir connu la femme ? Mon père, mon cœur est un rosier qui refleurit… Je n’ai guère besoin d’absolution. C’est Dieu-Homme qui m’a fait aimer. C’est lui aussi qui m’a fait gémir. Mon souffle, mes passions, mes ardeurs, il les renouvelle à son gré. Ce n’est pas à vous, ni à moi de juger ses mystérieux desseins. Merci, mon père ! Laissez-moi emporter l’ultime espérance, l’espoir qui se dresse contre tout espoir. La souffrance purifie. Le malheur divinise oui, mais l’amour, mon père, l’amour ? Ô grand Christ fraternel, tends-moi les bras ! Retournons à nos premières amours, aux amours éternelles ! Qu’il retourne aux anges et aux chérubins l’homme qui a cessé d’être un homme ! Qu’il aille dans la virilité toujours jeune de l’immatérielle justice !

Tenace, je me suis rebellé une fois de plus, face à la mort, et le docteur Darcel qui m’assure le renouveau me met sur la plaie le baume délicieux de la foi.

— Alors, docteur, ce n’est pas encore pour cette fois ?

Le médecin rit. J’aime son rire clair et sa franchise de ses yeux bleus.

— Non, bien sûr !

Maintenant, je ne doute plus. Par l’humble petite fenêtre qui cligne de l’œil aux cerisiers en fleurs, un rayon