Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/150

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son biniou. On descendait à ce moment Roz-an-Hospittal, par delà Kerberon, et l’on entrait au bourg de La Feuillée. Ah ! mes enfants, si vous aviez vu cela ! Aux cris stridents poussés par le biniou en prélude, les chevaux épouvantés partirent dans un galop d’enfer, traversèrent La Feuillée en trombe, talonnés par le bidet blanc et poursuivis par le biniou vengeur de Riwall. Torr-Rëor avait pris son partenaire à bras-le-corps et, retrouvant l’usage de la parole, il suppliait : Assez, assez ! Trowalc’h ! trowalch !… Mais le biniou stridait, ronflait, hurlait, riait, sifflait. « Assez ! », hurlait-on dans le cortège en délire. Les filles criaient de terreur. Berrien fut bientôt en vue. Alors, Riwall talonna son coursier et celui-ci, s’élançant de plus belle, dépassa un à un les autres chevaux blancs d’écume. Au passage, le palefroi salua immodestement d’une triple salve, Kaou-Bihan, l’heureux mortel, et Naïk aux cheveux d’or. Comme on le voit, le fougueux bidet avait le triomphe bruyant !

L’inkane vainqueur, s’arrêta, naseaux en feu, contre le portail de l’église. Torr-Rëor, blême d’épouvante, mâchonnait ses patenôtres. Mais quand la noce calmée déboucha du chemin, biniou et bombarde jouant avec entrain un air de gavotte irrésistible, donnèrent l’aubade…

Le retour s’effectua sans incident remarquable. Toutefois, le noble bidet dévala la pente de la Métairie à toute allure, sauta le talus bas au moulkleun, derrière lequel se faisaient les préparatifs du festin, se débarrassa sans ménagement aucun de Torr-Rëor qui chut dans les tripes, renversa trois chaudrons et six commères et s’arrêta le nez dans l’étang seigneurial.

L’on se souviendra longtemps, dans la montagne, de Riwal le Sonneur et de la noce endiablée !

Le banquet fut magnifique et pantagruélique. Riwall buvait, bâfrait inlassablement, et Torr-Rëor l’imitait de son mieux. Il avait une main au plat et l’autre à la bouche, ou