Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/20

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— Bronchite double. Ce petit est très affaibli. Il faudrait qu’il retourne chez lui, qu’il prenne des forces…

Du sang me monte aux joues. Instinctivement je me réjouis. Retourner chez moi, je veux bien, oui, tout de suite. Fuir au plus vite ce collège qui me paraît hideux et mortel.

— As-tu tes parents ?

Mon Dieu ! oui, mais aux quatre vents de la destinée, meurtris à jamais…

— Non ! ma grand’mère.

Un bref colloque s’est engagé entre le médecin et l’infirmière. Le surveillant général tend l’oreille et se rengorge.

— Couchez-vous, Rosmor, a conclu l’infirmière. Vous allez vous reposer quelques jours. Après ça, on verra.

Bon ! on verra. Alors à Dieu vat ! Dans le lit blanc aux draps proprets, je me couchais avec délice. Sur une bonne parole, le docteur est parti, suivi par le « sous-patron » important et digne.

— Madame, fis-je, pourriez-vous me faire monter mes livres de classe. Je suis en retard. J’aurai besoin de travailler ces jours prochains.

Elle a levé les bras au ciel, le prenant à témoin de ma folie.

— Travailler ? vous êtes fou, mon petit. Il faut vous soigner et guérir d’abord. On verra après. Vos livres, je dirai à l’économe de les ramasser ?…

… Comment ? elle dira à l’économe de ramasser mes livres ?… Une sourde angoisse m’est venue et j’ai chaud aux tempes. Cela ne se fait pas pour quelques jours d’infirmerie. Ce que j’ai, serait-ce donc grave ? Mais l’infirmière devine mon inquiétude. Dans son cœur de femme et de mère, elle a trouvé les mots qui calment et qui bercent, et ma confiance renaît. Mes nerfs se détendent.

Avec fracas, la porte s’est ouverte.