Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/39

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badent irrévérencieux dans les marais immenses et recueillis. À quoi bon s’insurger ? eux, ne se révoltent pas. Connaissent-ils donc le grand secret ?

Dieu ne fut pas trop cruel dans son anathème puisqu’il nous laissa sans partage, la tendre infinie et le sourire ineffable d’une mère…

Dans une camionnette où règne l’odeur étouffante de l’essence brûlée, ma mère m’accompagne encore, vers un autre dispensaire.

Il a neigé, les jours passés. Aujourd’hui, le soleil étincelle et sous le manteau féerique, il y a dans la nature qui s’étire, des tressaillements. La vie déborde du sol enfoui dans la neige complice et les premières sèves engendreront dans l’air de mars prochain, le renouveau. Tout s’égaye, prend un aspect merveilleux. Les rochers bleus dans leur ceinture de lys voient les ébats sautillants des pies qui jacassent. La rivière aux eaux de cristal coule avec des couplets ravis et les arbres que mouille la caresse du soleil fondant leur parure, pimpants ou fantastiques, sont des personnages légendaires de beaux contes norvégiens. Le ciel limpide sourit aux corbeaux qui coassent, surpris par cet éclat inattendu et qui proteste contre cette neige infâme où gîte la charogne.

Mes narines frémissent. Comme mon pays est beau ! et que la vie est belle ! Et il me faudrait la quitter à mon âge ? allons donc ! Tout mon être s’insurge contre cette idée absurde. Ils sont idiots, ces docteurs négateurs de merveilles et de miracles ! Réjouissons-nous, vive Dieu ! au diable les mauvais augures ! Si mes bronches sifflantes ne me retenaient j’aurais tenté d’ébaucher dans la camionnette pleine de puanteur, un petit air de jabadao !

Dieu que la vie est belle au cœur des souffrants !

… Ce dispensaire d’hygiène sociale de Plouergat, est comme tous les dispensaires, hygiénique et réfrigérant.