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PRÉFACE


Un matin brûlant d’août, au Huelgoat. Je revois la forêt, ses chemins escarpés, ses genêts, ses ruisseaux, puis soudain, à flanc de coteau, entre les chênes qui s’espacent, un autel de granit où des druides officient, les bras tendus vers le soleil…

Sans doute pour jouir de ma surprise, un ami venait de me jeter en pleine fête celtique, et je me sentis subitement « l’étranger » au milieu de cette foule qui écoutait le rude appel des rapsodes bretons et des envoyés gaéliques. Autour de ces blocs énormes qui, d’après la légende, servirent d’osselets à Gargantua, le Gorsedd réunissait exceptionnellement ses adeptes, et pas un mot de français ne devait être prononcé au cours de la cérémonie. Or, tout à coup, je crus entendre mon nom, dans la bouche de celui qui brandissait le gui. Des gens se retournèrent, on me montra du doigt, mes compagnons me poussèrent vers le rocher et, un instant plus tard, je me trouvais là-haut, en compagnie de druides, un peu honteux de mon veston parmi ces robes de lin. Après quelques paroles de bienvenue dont le sens m’échappa, on me noua sur la poitrine l’écharpe bleue des bardes. Je ne savais quelle contenance prendre. Maladroitement, je remerciai l’assemblée, me servant de mots français que plus d’une vieille à coiffe écoutait sans comprendre. Arrivé simple touriste au Goueliou braz Breiz Izel j’allais en repartir pourvu d’un titre que je ne pensais pas mériter.

Comme je quittais mon piédestal de granit, un tout jeune barde, flottant dans une robe bleue trop large et le