Page:Abgrall - Luc hed ha Moged.djvu/118

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Près d’énormes chaudrons, d’augustes marmitons
Le proclament soudain « Prince des échansons ».
La porte tout à coup s’ouvre avec grand fracas
Et un enfant de chœur est accouru d’en bas.
De son nez reniflant pend une double cloche,
Un pied « kamik » termine une jambe bancroche.
Tonton Cou sursauta dans son fauteuil surpris.
Pensez donc, il venait de choir du paradis…
— Ayez pas peur, Monsieur, c’est moi Fanchik Kerbone,
Et je viens vous chercher pour commencer le prône.
Allons ! dépêchez-vous, je crois qu’on vous attend !
— File ! sacré « fri louz », je te suis à l’instant.
Et voilà qu’en grattant son tissu capillaire
Encore sommeillant, il prend son bréviaire,
Le lance vivement dans l’eau de la marmite,
Puis, son lard sous le bras, il s’enfuit au plus vite !

Quand le curé survint, portant son « kig sall » gras,
Dans l’église, ce fut un bien joli fatras.
Les fidèles en chœur s’étouffèrent de rire
Et chacun à son banc se prenait de délire !
On oubliait, dès lors, la sainteté des lieux,
Et l’on avait, ma foi, des larmes plein les yeux.
Tonton Cou s’aperçut bientôt de sa méprise ;
D’un geste bienveillant il apaisa la crise ;
Être distrait, c’est bien, mais rester en affront
Devant tous ces gaillards, serait faire faux bond !
Pestant bas, il monta les marches de sa chaire…
Qui sait bien repérer sait quelquefois mal faire !
— Mes chers frères, dit-il, il est fort irritant
De vous voir rire ainsi. J’en suis très mécontent.
Si c’est ce lard que j’ai qui prête tant à rire,
C’est que vous êtes sots, allez, on peut le dire,