Page:Aboulféda - Vie de Mohammed - traduction et commentaires par Desvergers, 1837.pdf/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VIII
AVERTISSEMENT.

Toujours affable pour ceux qui viennent à lui, jamais son visage ne trahit l’ennui ou l’impatience ; simple dans toutes ses habitudes de la vie, chaque soir, à l’heure du repas, il fait appeler pour le partager avec lui quelques-uns des hommes pauvres qui n’ont d’autre asile que le banc de la mosquée. Et cette simplicité si grande, il la conserve alors que les Arabes de son temps, qui ont visité dans leur palais Cosroës ou César, déclarent hautement que la puissance de ces rois sur leurs sujets n’est pas comparable à celle du prophète sur ses compagnons. Que de force réelle dans l’homme sacrifiant ainsi tout signe extérieur du pouvoir pour augmenter encore cette influence morale qui préparait à ses successeurs la conquête du monde ! L’Islamisme, tel qu’il existe aujourd’hui, est dans son entier l’œuvre de Mohammed. Ce code à la fois religieux, civil et guerrier, qui depuis douze siècles régit l’Orient, c’est lui qui l’a dicté ; chaque acte important de sa vie a amené une révélation nouvelle. L’histoire du prophète arabe c’est donc l’histoire de l’établissement de l’Islamisme, et cette raison a déterminé mon choix.

Deux publications ont déjà été faites de partie du texte d’Abou’Iféda qui traite de la vie du prophète : l’un n’a point été détachée du grand ouvrage de Reiske, ouvrage très-estimé, mais difficile à ce procurer et d’un prix toujours élevé ; l’autre, due à Gagnier, parut à Oxford en 1723. « Ce n’est point, a dit Reiske, l’étude ni l’érudition qui manquent à l’auteur, mais une connaissance plus approfondie de la langue. » Sans entrer ici en discussion sur ce jugement, il est facile de se convaincre, à chaque page, que Gagnier a travaillé sur un texte fautif, et qu’induit en erreur par le manuscrit qu’il avait en possession, il s’éloigna souvent du sens véritable. Le texte que j’offre ici aux personnes qui veulent étudier l’arabe a été collationné sur les trois manuscrits que possède la Bibliothèque royale, et que l’obligeance de M. Reinaud a bien voulu mettre à ma disposition. L’un d’eux auquel j’ai eu plus particulièrement recours parce qu’il passe pour autographe, a formé la base de mon travail ; c’est le manuscrit marqué sous le n°101. Il n’est pas entièrement de la main d’Abou’Iféda ; mais on suppose qu’écrit d’abord sous sa dictée, il y inséra ensuite des notes marginales, des