Si vous avez du blé à vendre et si vous estimez l’hectolitre à quatre-vingt-dix grammes d’argent pur, il vous importe médiocrement d’être payé en pièces de cinq francs à l’effigie de l’Empereur des Français, ou en thalers de Prusse, ou en florins d’Autriche, ou en roupies de l’Inde anglaise ; l’important, c’est qu’on vous donne quatre-vingt-dix grammes d’argent pur, certifié par n’importe quelle autorité. Toutes les monarchies, toutes les républiques comprises dans le groupe de la civilisation européenne sont également dignes de foi en matière de monnaie.
Il y a donc réellement une mesure commune, applicable à toutes les valeurs : c’est le gramme d’argent fin. L’unité de valeur est trouvée ; ce qui manque encore au genre humain, c’est l’uniformité des monnaies. Plus les peuples se rapprochent par l’échange, plus le besoin d’un type uniforme se fait sentir. Quand les voyages étaient difficiles et le commerce entravé par mille barrières, quand chaque peuple voyait dans son plus proche voisin son ennemi le plus direct, quand les despotes petits et grands exploitaient leurs sujets par tous les moyens, sans dédaigner l’émission de la fausse monnaie, il était naturel que chacun se tînt en défiance contre l’argent des étrangers. Les pièces d’un pays n’avaient pas cours dans l’autre ; il fallait