Page:About - ABC du travailleur, 1868.djvu/222

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nous sommes des messieurs ; nos besoins se sont compliqués ; nous n’osons plus nous aventurer dans les rues de Paris sans quelques pièces de vingt francs. La provision d’une journée bourgeoise arracherait nos poches, s’il fallait la porter en gros argent.

Lorsqu’un Parisien s’arrête dans un village, j’entends dans un véritable village, il s’émerveille de voir comme les pièces de cinq francs ont la vie dure. Quand un villageois s’aventure à Paris, à Marseille, au Havre, à Bordeaux, il s’épouvante à la vue des louis qui fondent dans ses doigts. C’est que le Parisien se trouve transplanté au sein d’une vie moins avancée et partant moins exigeante. Ses besoins se réduisent faute d’occasions ; il est dans un milieu où tout le monde produit moins et consomme moins. Le village est en retard d’un siècle ou deux sur les grandes villes ; l’or y est presque superflu, puisque tous les besoins qu’on peut y satisfaire en un jour représentent à peine une pièce de cinq francs. Le paysan qui tombe au milieu de Paris est entouré de gens qui gagnent, dépensent et jouissent plus que lui ; qui, ont plus de besoins, plus de ressources, une activité plus dévorante, et qui regardent l’or avec moins de respect parce qu’ils ont moins sué pour l’obtenir. Ce parallèle vous représenta la civilisation d’autrefois et la civilisation future. Le