Si vous n’avez trouvé aucun capital entre vos langes, vous êtes condamné à procurer la satisfaction de tous vos besoins par une production personnelle. Il faut que vous fassiez vous-même votre abri, vos vêtements, vos aliments et le reste, sous une forme ou sous une autre. Un laboureur ne fait pas ses habits, mais il fait plus de blé qu’il n’en peut consommer lui-même, et du surplus il s’achète des habits ; un tailleur ne fait pas de blé, mais il fait plus d’habits qu’il n’en peut user dans sa vie, et du surplus il s’achète du pain. Tous les travailleurs de ce monde sont dans le même cas : vous voyez même des bijoutiers qui de leur vie ne porteront jamais un bijou, mais qui se fabriquent du pain, du vin, de la viande, des chapeaux, des chaussures, à force de polir et de ciseler le bijou.
Les héritiers du travail accompli, ou les capitalistes, ne peuvent s’assurer un revenu normal qu’en mettant leurs capitaux au service d’autrui, c’est-à-dire en servant sans fatigue, mais non sans utilité, les producteurs qui les entourent. L’intérêt leur commande de prêter toujours et toujours. Le propriétaire de maisons qui ne trouve pas de locataires est aussi gêné qu’un ouvrier sans ouvrage, et par la même raison. Il a besoin de produire pour vivre.