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ALSACE.

famille un peu nombreuse s’arrête si longtemps dans un coin de pays sans qu’une croix ou deux attestent son passage. Les morts qui reposent ici vont être bien seuls cet hiver ; mais bien plus seuls seront leurs pères, leurs sœurs, leurs enfants dispersés par toute la France. Si le 2 novembre prochain, ceux qui dorment du long sommeil ne songent pas à réclamer le tribut des prières, des fleurs et des larmes accoutumées, il y aura dans le Nord, dans le Midi, dans le Centre et dans l’Ouest, des hommes, des femmes et des enfants qui répandront du fiel avec leurs larmes, et mêleront des imprécations à leurs prières, en songeant au devoir triste, cher et sacré qu’il leur est interdit de remplir.

Une femme en grand deuil passait alors auprès de moi. Elle portait à la main un bouquet blanc, composé des dernières fleurs de l’automne. C’est la mère du pauvre Octave, de cet enfant blond, pâle et doux que nous avons vu s’éteindre à seize ans. Il était Lorrain, lui aussi, et mon compatriote ; les gens de Dieuze avaient ébauché dans le temps une sorte de colonie à Saverne. Cette malheureuse femme est veuve ; elle ne vivait que par son fils et pour lui. Depuis cinq ou six ans qu’il est mort, elle s’est soutenue par le culte de cette chère mémoire : on la voit errer comme une ombre autour de la petite dalle de marbre