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ALSACE.

Nous ne sommes ici ni à Colmar, ni à Mulhouse, mais dans une petite ville déchue, où le moral des habitants n’a jamais dépassé certain niveau.

Si j’écrivais une œuvre d’imagination, j’aurais le droit de supprimer les demi-teintes et d’exposer en pleine lumière une Alsace sans tache, belle de tout point, partout égale à elle-même, rayonnante du plus pur éclat de la vertu. C’est la méthode antique. Les Grecs et les Romains la pratiquaient non-seulement dans leurs sculptures, mais dans leurs récits historiques, qui étaient aussi des œuvres d’art. Us éliminaient avec soin, et sans aucun scrupule, toutes les imperfections de détail qui pouvaient déparer un type de beauté physique ou morale. C’est ainsi qu’ils nous ont légué des portraits tellement supérieurs à la nature que, si on les prenait au sérieux, il faudrait nier le progrès et croire que l’humanité marche à reculons.

Ces procédés ne sont pas abandonnés depuis longtemps, même en France, et l’histoire de notre grande Révolution, telle que nous l’avons lue, est quelque peu renouvelée des Grecs et des Romains. Elle déguise en héros antiques, c’est-à-dire en demi-dieux, beaucoup d’hommes qui, vus de près, ne paraîtraient peut-être pas meilleurs que Ferré, Gaillard ou Régère. L’esprit de notre époque est