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Page:About - Alsace, 1875.djvu/146

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ALSACE.

les ambulances, les églises, tuant à tort et à travers les vieillards, les enfants, les femmes, les blessés, un héroïque désespoir s’empara de tout le peuple, et chacun fit sans marchander le sacrifice de sa vie. Les plus tièdes devinrent les plus ardents ; l’indignation, le mépris et la haine enivrèrent les plus timides.

Durant un mois entier, cette honnête, paisible et douce population vécut au milieu des flammes, et elle s’y acclimata comme les salamandres de la fable. Les oreilles s’habituèrent au sifflement des obus, au fracas des explosions, les cœurs s’endurcirent à l’idée de cette mort subite qui pleuvait çà et là, frappant aujourd’hui l’un, demain l’autre. Lorsqu’un éclat de quelques kilogrammes venait briser le miroir d’une jeune fille à sa toilette, couper le livre entre les mains d’un vieux savant, la jeune fille achevait de se coiffer devant un débris, en disant : Je l’ai échappé belle : le vieux savant prenait un autre livre.

Je connais des familles qui ont fui leurs maisons incendiées en courant sur les toits, et qui parlent de cette promenade comme d’un événement tout naturel. Une mère dont le fils était garde mobile à la citadelle est allée le voir chaque jour, en traversant l’esplanade où les obus tombaient à toute heure. Quoiqu’il fût impossible de faire cent pas dans la rue sans voir éclater une bombe,