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COLMAR.

nes gens, l’un, Charles Bartholdi, était un peintre, un écrivain, un archéologue célèbre au delà de son pays, quand l’abus du travail éteignit sa belle intelligence et termina prématurément sa vie ; l’autre est un statuaire, un érudit, un lettré, et, quand il le faut, un soldat ; il s’est bravement battu pour notre Alsace, après l’avoir brillamment décorée.

Mais qui est-ce qui pensait à la guerre en 1865 ? Les malades eux-mêmes, dans le cauchemar de la fièvre, ne rêvaient pas d’invasion et de conquête ; la plus fière sérénité régnait sur la frontière comme partout. Colmar se félicitait d’être une ville ouverte ; on faisait voir aux étrangers les traces des remparts et les restes de la citadelle, comme des monuments d’un âge barbare. La maison où nous fûmes si bien reçus était hors de la vieille enceinte, construite sur le bord des anciens fossés, au milieu d’un jardin magnifique. La vaste et haute salle où le dîner nous attendait respirait le culte du passé et la confiance dans l’avenir. Un luxe respectable, antique, patrimonial, s’y étalait sans craindre les profanations de la guerre étrangère ou civile ; la lourde argenterie du vieux temps brillait sur la nappe de Saxe, au milieu des cristaux taillés, des faïences peintes, et des bouteilles cachetées en 1811, 1819, 1825 ! Autour de nous, sur les parois, s’étalaient deux ou trois générations