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ALSACE.

en troisième, et j’ai eu la bonne fortune d’entendre célébrer, par un gros paysan, l’esprit pratique de nos ennemis.

« Quels gaillards ! disait-il. On en met beaucoup à Toulon qui ne sont pas aussi roués. J’avais dans ma ferme un hauptman, ou capitaine, avec des hommes et leurs chevaux. Belles bêtes, les chevaux et d’un appétit formidable. Il nous fallait nourrir tout ça : le foin, l’avoine et la litière, tout allait d’un train de poste, et je fournissais tout sur bons de réquisition, c’est-à-dire pour le roi de Prusse. Un matin, le hauptman m’appelle dans la cour et me montre un tas de fumier qui pouvait faire dix voitures. — Combien m’en donnes-tu ? — De mon fumier ? — Du nôtre : c’est le travail des chevaux prussiens, bonhomme ! — Mais, sous votre respect, capitaine, vos chevaux n’ont rendu que ce qu’il m’avaient pris, et je crois qu’en bonne justice… — Justice ou non, ce fumier est à vendre. Si tu en veux, dis-le ; sinon, nous le vendrons à un autre, et tu le transporteras chez l’acquéreur par réquisition… » Cette idée m’a paru si drôle mais si drôle, que j’en ai ri à faire sauter deux boutons de ma culotte, et que j’ai donné au hauptman le prix qu’il a lui-même demandé…

Un petit bourgeois de Schlestadt, ou de Colmar reprit avec bonhomie :

« Oui, le proverbe a raison de dire que l’on est