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ALSACE.

Quant aux 600,000 Alsaciens et Lorrains qui n’ont pas opté, leur abstention ne prouve rien, sinon que le vainqueur a su les intimider par ses menaces et que notre gouvernement lui-même, sous la pression de l’ennemi, a cru devoir les décourager. Mais, moi, qui les ai vus et entendus, dans les campagnes et dans les villes, je sais ce qu’il faut croire de leur prétendue résignation. Que de fois, dans les ruelles de Saverne ou dans les sentiers de la forêt, j’ai vu de pauvres gens, ouvriers ou bûcherons, s’arrêter pour me dire : Bonjour, monsieur : vive la France ! Que de fois une vieille femme ou une jeune fille de la plus humble condition a ouvert sa fenêtre, au-dessus de ma tête, pour me jeter le même salut !

Ces gens-là n’ont pas émigré, ils n’ont pas même opté, car les gendarmes et les policiers ne parlaient de rien moins que d’expulser tous les optants. En sont-ils moins Français, à votre avis ? J’ai laissé au pays plus d’un vieillard, qui m’avait dit en confidence : J’expédie d’abord mes enfants, mais, dès que j’aurai mis ordre à nos affaires, vous pensez bien que je saurai les rejoindre. Ces cœurs de pères appartiennent-ils à la Prusse ?

Les Allemands ont rompu en visière à toute la civilisation lorsqu’ils ont eu le triste courage de renouveler en plein dix-neuvième siècle les horreurs de la conquête antique. Ils ont agi en vrais