le septembre, où la fête patronale de Saverne attirait invinciblement tous les pays d’alentour. Mais on ne danse plus à Saverne, et la foire elle-même est bien délaissée. Où sont les belles charretées de villageois endimanchés qui s’embrassaient à bouche que veux-tu et faisaient rire les vieux échos sérieux de la montagne ? J’ai rencontré en tout, dans une promenade de dix kilomètres, un vieillard sur un chariot vide, et deux officiers allemands au galop. Les champs sont animés çà et là par le travail d’un faucheur isolé ou d’une veille qui arrache ses pommes de terre. On n’aperçoit que des femmes, des enfants ou des hommes d’âge ; l’émigration a raflé tout le reste.
Un peu plus loin que le village des Quatre-Vents, dans un chemin creux, entre deux rideaux de peupliers, les tambours et les trompettes de Brunswick prennent une leçon de tapage. Le tambour allemand, s’il est plus portatif que le nôtre, est beaucoup moins sonore, il ne rend qu’un bruit sec, qui rappelle le coup du marteau sur les planches. Je veux croire que nos vainqueurs sont des musiciens sans rivaux, puisqu’ils le disent, mais tous les bruits qu’ils font chez nous, depuis leurs symphonies militaires jusqu’au sifflet de leurs locomotives , exaspèrent mon système nerveux. Leurs voix sont aigres et cassantes : le commandement des officiers porte en soi quelque chose d’insolent