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ALSACE.

écrevisses, et, tout en déjeunant sur le pouce, je cause avec les habitants. On n’a que faire de les interroger, ils dévisagent un Français à cent mètres et le provoquent par mille questions : « Comment va M. Thiers ? vivra-t-il bien dix ans ? Et le maréchal Mac-Mahon ? Et pourrons-nous garder la république ? Et l’armée ? Ah ! voilà la grande affaire. On en parle le jour, on en rêve la nuit. Combien avons-nous de soldats ? Sont-ils aussi disciplinés, animés d’un aussi bon esprit que tout le monde nous l’assure ? Est-il vrai que nos officiers désertent les cafés pour les bibliothèques ? Avez-vous vu les manœuvres qui s’exécutent autour de Paris ? Ici, nous enrageons de voir ces maudits Allemands aller, venir, lever des plans, prendre des notes ; non-seulement les capitaines, mais les sous-officiers et souvent les simples soldats. S’ils ne connaissent pas notre terrain, ce n’est pas faute de courir. Ils viennent du camp de Metz, où on les a fait peiner comme des nègres ; eh bien, vingt-quatre heures après leur arrivée, on ne voyait qu’eux dans les villages et dans les bois. Le bonhomme Christman, qui les exècre en face, en a rencontré trois ; il leur a dit : « Tenez-vous « bien ! les Français travaillent. » Les coquins lui ont répondu : « C’est possible ; mais tant que les Français travailleront, les Allemands ne dormiront pas. » Mais c’est bien vrai, n’est-ce pas, mon