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blés et triplés ? La Compagnie de l’Est pourrait seule nous dire ce que la guerre lui coûte.

Ce qu’elle ne dit pas, mais ce que j’ai appris par cent indiscrétions alsaciennes ou lorraines, c’est la générosité dont elle use envers les émigrants. Cette pauvre compagnie, si rudement éprouvée, rapatrie à moitié prix, souvent pour rien, les familles et les mobiliers de nos petits fonctionnaires nécessiteux. Ses directeurs et ses agents sont devenus, par la force des choses, les confidents de douleurs et de misères sans nombre ; ses guichets reçoivent chaque jour des confessions déchirantes, et l’on y exerce à petit bruit une générosité vraiment patriotique. Les actionnaires s’en plaindront-ils ? Non certes. Les bénédictions des pauvres et la reconnaissance du pays ne sont pas un dividende à mépriser.

Presque tous ceux que j’ai connus et aimés à Saverne en sont partis depuis longtemps. Mais ce n’est pas la peur de quelques journées solitaires qui m’étreint le cœur au départ ; c’est le doute, c’est l’angoisse de ce redoutable peut-être que je m’en vais chercher auprès du vieux nid abandonné.

Home ! sweet home ! Pendant douze ou treize ans, mes travaux, mes plaisirs, mes affections, toute ma vie morale a gravité autour de Saverne. Tous mes enfants y sont nés, non par hasard,