— Je comprendrais, à la grande rigueur, qu’on me jugeât en Allemagne pour avoir répandu, propagé, distribué des articles hostiles sur le territoire annexé. Il y aurait délit de colportage commis chez vous. Mais je ne suis pas même l’éditeur, ou le rédacteur en chef, ou le gérant responsable du Soir.
— Vous êtes son complice, pour lui avoir fourni les moyens de commettre un délit.
— Quel délit, s’il s’est contenté de vendre le journal à ceux qui lui en faisaient la demande ? Comment ce numéro du Soir est-il tombé entre vos mains ? Est-ce moi qui vous l’ai envoyé ? Est-ce mon ami Hector Pessard ?
— Nous nous sommes abonnés au journal.
— Ne vous en prenez donc qu’à vous-mêmes, si vous avez eu l’ennui de lire quelques vérités désagréables. C’est vous qui avez introduit le Soir en Alsace, c’est vous qui êtes les coupables. Pourquoi n’avez-vous pas fait arrêter le journal à la frontière par vos employés de la poste et vos douaniers ? pourquoi, si vous aviez à vous plaindre de moi, n’avez-vous pas invité le gouvernement français à me poursuivre en France ? Qu’est-ce que ce procédé qui consiste à garder, onze mois durant, au fond d’un tiroir, un mandat d’amener qu’on exécute par surprise sur la personne d’un passant ?