Page:About - Alsace, 1875.djvu/41

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Je suis arrivé un jeudi, jour de marché ; le mouvement accoutumé emplit la grand’rue. Les paysans des villages voisins font trotter leurs longues charrettes ; je rencontre deux ou trois femmes qui bercent des cochons de lait dans leurs tabliers en leur disant des paroles consolantes. On aperçoit aussi quelques soldats allemands sur le seuil des portes ; ils sont tout habillés de noir avec des passementeries noires. L’uniforme n’est ni beau, ni bien tenu. Ces hommes appartiennent au contingent du Brunswick ; ils logent encore chez l’habitant, c’est tout ce que j’en ai appris sur mon passage. Du reste, je ne fais que traverser la basse ville pour gagner la campagne au plus vite et revoir ma chère maison.

Les habitants d’Auteuil, d’Asnières, de Saint-Cloud et de cent autres villes et villages qui ont éprouvé l’effet du pétrole et des obus, seront sans doute moins tentés de plaindre que d’envier un propriétaire dont la maison et le mobilier sont intacts en pays conquis. Je sais d’avance que je retrouverai tout mon petit domaine en bon état, même les caves ! Nos pertes matérielles se résument dans une somme ronde à payer chez l’aubergiste pour logement et nourriture de soldats.

Nous ne sommes donc pas malheureux dans le sens vulgaire du mot ; si nous l’étions, je ne prendrais pas la peine de l’écrire : les plaies d’argent