Page:About - Alsace, 1875.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
ALSACE.

rable ; il faudrait se garder de conclure trop vite et de généraliser au pied levé dans un pays aussi vaste et aussi bigarré que le nôtre. Par exemple, l’héroïsme de Châteaudun, de Toul ou de Saint-Quentin vous donnerait une trop haute idée de trois départements et de la France entière, si vous jugiez sur échantillon. Je ne crains pas de tomber dans ce genre d’erreur, ni de passer pour optimiste, si j’étudie d’abord l’esprit alsacien à Saverne : cette petite ville offre plutôt la matière d’un argument a fortiori. Elle n’est pas militaire comme Strasbourg, artiste comme Colmar, ou laborieuse comme Mulhouse. C’est l’ancien reposoir de ces Rohan fastueux et débauchés, dont le dernier s’éprit d’un sot amour pour Marie-Antoinette, et fit le scandale du collier.

De 1795 à l’inauguration du chemin de l’Est, ce lieu de dévotion facile et de plaisir élégant ne fut guère qu’une grande auberge à routiers, étalée sur la droite et la gauche de la grand’route : tout le commerce international de la France et de l’Allemagne y passait, allant, venant, effaçant les caractères sans épurer les mœurs, et semant force gros écus, que les indigènes dépensaient sans compter, comme si cette aubaine eût dû être éternelle. Ruinés tous à la fois par l’ouverture du chemin de fer et la suppression du roulage, ils n’ont pas réagi, personne ne s’est ingénié ; on a