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ALSACE.

tribunal avait à peine déchargé son bagage, que l’on disait déjà de porte en porte : « Douze cents francs ! L’estimation est faite par un tel, qui s’y connaît ; il a dit que toute la boutique, vendue aux enchères par Bloch, ne ferait pas un sou de plus. Ah ! notre président est un homme considérable ; vous pouvez l’appeler monsieur Douze cents francs ! »

La sous-préfecture de Saverne a été pendant quatre ans la plus brillante de France. On n’oubliera jamais ici le salon rouge et or de M. Guynemer, ses beaux chevaux, ses bons dîners, les diamants de sa jeune femme, et les larges aumônes qu’elle répandait par la ville. Dans ce même salon, où les portraits de Napoléon III et de l’impératrice, d’après Winterhalter, n’ont jamais cessé de sourire, on a vu la famille d’un colonel prussien cuire des pommes et griller des harengs saurs au milieu de loques éparses, de papiers en désordre et de chaussures crottées. Le sous-préfet actuel, un fonctionnaire civil à 15,000 francs par an, fait manger du pain de munition à sa femme et à ses enfants. Toute sa maison se compose de deux souillons allemandes, aux bras nus, qui vont laver le linge à la rivière, rencontrent des soldats en rentrant, acceptent un verre de bière sur la table d’une brasserie, et déposent leur linge à la porte, où les gamins s’empressent de le rincer dans le ruisseau.