Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/136

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de cœur la cause qui lui paraît la meilleure, celui qui s’arme et qui risque sa peau sans être soldat, n’est insensé qu’à demi. Il courra les dangers qu’il éviterait en se tenant tranquille ; cependant, il a certaines chances de décider la victoire et de participer au triomphe. S’il est ambitieux, il court le risque de gagner quelque chose en jouant le tout pour le tout.

Mais celui qui se jette entre les deux armées sans aucun intérêt présent ou à venir, sans rien attendre ni des uns ni des autres, simplement par amour de la paix et de l’humanité, et dans l’espoir, assez invraisemblable, d’empêcher un conflit, celui-là est un fou de la plus belle espèce. Il n’aura que ce qu’il mérite, s’il demeure aplati par le choc.

Je sais mieux que personne à quels accidents on s’expose en défendant envers et contre tous ce que l’on tient pour vrai ; mais il faut que la manie dont je suis possédé soit décidément incurable, puisque les accidents les plus rudes ne m’en ont pas guéri.

Les délégués des ouvriers me disaient hier en fort bon style, un peu trop vif peut-être (mais il faut passer bien des choses aux esprits échauffés par la lutte) : « De quoi vous mêlez-vous ? Laissez-nous débattre nos intérêts contre nos patrons. »

Messieurs les délégués, vous avez raison à votre