Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/184

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la Fontaine : « Notre ennemi, c’est notre maître » ; quand on n’aura plus d’hommes pour nous gouverner, on ne nous gouvernera plus.

Un fait suffit pour réfuter cette théorie un peu sauvage. Nous n’avons pas de maître, mais un chef pris par nous au milieu de nous. Ses pouvoirs sont, à mon avis, plus étendus qu’il ne serait absolument nécessaire ; mais c’est la nation qui lui a fait si bonne mesure, un jour qu’elle avait peur d’elle-même et besoin de lui. Sa politique au dedans et au dehors n’a pas contenté tout le monde ; à qui le dites-vous ? Mais la somme du bien réalisé est visible à l’œil nu, et nous n’avons pas abjuré l’espérance du mieux. Et les philosophes anarchistes ne seraient pas les derniers à croire tout perdu si les hommes d’État qui nous restent étaient emportés demain par une dernière razzia de la mort.

Les jeunes gens (cet âge est plein d’illusions) ne s’embarrassent pas pour si peu. Je les entends d’ici dans leur noble et naïve arrogance : « S’il en faut absolument, de ces hommes d’État, nous en improviserons en huit jours ! ». En huit jours, mes amis, on improvise des héros ; vous l’avez prouvé trop souvent pour qu’on ait besoin de le dire ; mais un homme de bon sens, de savoir, de parole, d’action, un homme assez pénétrant et assez large dans ses vues, assez audacieux et assez prudent, assez ferme et assez souple, assez amoureux du