Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/31

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devenu un vrai homme, et il a fait un beau chemin. Il y a bien des choses en ce monde qui se méritent et ne s’achètent pas. Vos domestiques ne vous l’ont pas dit ; c’est une lacune.

Il me semble que nous n’étions pas avares, malgré notre respect superstitieux de l’argent. Mais nous le regardions comme une denrée rare et chère, qu’on ne doit point dépenser légèrement lorsqu’on n’est pas capable d’en gagner par soi-même. Nous nous imaginions aussi qu’un enfant n’a rien à lui, que ses dix sous sont soumis à la volonté des parents comme celui qui les a dans sa poche. Aujourd’hui, une petite fille dit fort bien à sa mère : Ah ! tu ne veux pas me donner cette robe ? À ton aise ! J’ai cent francs, je l’achèterai.

Dans huit ou dix ans, la même petite personne dira peut-être à son mari : je ne vous demande pas cette rivière, je l’achète ; n’ai-je pas ma dot ?

Enfin, s’il faut tout dire, les frères collaborent ferme à l’éducation de leurs sœurs. Tout notre sexe met la main à ce chef-d’œuvre du dix-neuvième siècle, qui s’appelle une mangeuse d’argent. Aussi me vois-je obligé de remettre à huitaine la fin (ou tout au moins la suite) d’un discours peut-être trop long.