Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/349

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aux porteurs de son papier que leur gage vivant ne voulait courir aucun risque. Mais ces façons de rassurer un peuple obtiendraient, si je ne me trompe, un médiocre succès parmi nous. Nous aimons mieux les hommes qui s’exposent, et nous oublions les intérêts de notre bourse en présence d’un chef qui risque galamment sa vie.

Je ne suis pas de ceux qui professent l’inégalité des races et prétendent qu’un Français pris au hasard vaut mieux qu’un Turc quelconque, pris dans la masse. Cependant ma théorie hésite un peu quand je vois une femme de santé délicate affronter simplement et doucement un danger devant lequel le plus gros Turc du Caire s’est enfui. Ce vice-roi est-il d’une essence supérieure à ses sujets ? Je répugne à le croire. Mais s’il ne vaut pas mieux, s’il vaut moins que les autres, pourquoi donc ses sujets lui permettent-ils de régner ?

Il faut noter un singulier effet de l’épidémie chez un peuple aussi brave que les Français. Presque personne n’a déserté son poste, on compte les malheureux fonctionnaires qui ont déserté devant la mort ; on ne compte pas les volontaires qui l’affrontent. Personne ne craint pour sa peau, et, par une anomalie invraisemblable, tout le monde tremble pour son argent ! Interrogez le commerce de Paris, on vous dira que la peur a littéralement paralysé les affaires. Vous savez que M. Mame est