Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/354

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savent lire. Nous avons tous eu l’occasion de voir un enfant de deux ans se jeter sur un livre d’images et le lire avec intérêt d’un bout à l’autre, sans poser les yeux sur le texte, qui est encore lettre morte pour lui. L’année suivante, il reverra ce livre avec plaisir, et il fera quelques petits efforts pour déchiffrer les légendes. Les désœuvrés de tout âge et de tout sexe résistent rarement à la tentation de feuilleter un ouvrage où le dessin entrecoupe et anime la prose. Les illettrés, les ignorants, ceux qui m’épèleraient pas sans effort une page d’impression, s’arrêtent avec plaisir devant le moindre croquis. Et vous-même, si lettré que je vous suppose, quand vous avez à perdre un quart d’heure dans l’antichambre ou le salon d’un étranger, vous donnez un coup d’œil aux tableaux qui le décorent avant de prendre un journal sur la table du milieu.

Il est vrai que l’habitant des villes oublie en un rien de temps les gravures ou les tableaux qui l’ont t arrêté au passage. Il en voit tant dans les musées, dans les salons, à l’étalage des marchands ! Il a d’ailleurs le cerveau farci de tant d’idées et de faits qu’il garde au plus le souvenir des chefs-d’œuvre. Mais l’habitant d’une cabane toute nue, l’homme qui n’a rien vu, qui ne sait rien, qui n’a guère l’esprit plus meublé que sa maison, celui-là ouvre de grands yeux devant la moindre enluminure. De