Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/63

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au public les élucubrations d’un cerveau troublé. Ne rien dire est meilleur que dire des sottises, ne le pensez-vous pas, vous qui nous écoutez ?

Je connais un journaliste qui se leva de grand matin, le lendemain de son mariage, et se mit à écrire tout d’une traite, jusqu’au soir. Il le fallait ! Le journal, ou la revue, comptait absolument sur lui. Lui seul, à ce qu’on lui disait, était capable de sauver une publication fort malade. Il ne sauva rien du tout, on le devine, et très-probablement ce qu’il écrivit ce jour-là n’avait pas l’ombre du sens commun.

À quelque effort qu’un homme se livre, il ne pourra tirer de son esprit que ce qui y est contenu. Or, il arrive qu’un sentiment ou une idée envahisse notre esprit de manière à en chasser tout le reste. Le bonheur est comme un roi qui descend dans la maison d’un pauvre : il n’y a de place que pour lui. Donc ce pauvre diable d’heureux, dont je vous raconte l’histoire, était forcé de parler de tout, excepté de ce qu’il avait dans le cœur et dans l’esprit.

Je suppose que le tour de force est encore plus rude, quand il s’agit d’écrire auprès d’un berceau neuf. Car enfin, quoique les cœurs bien nés ne deviennent jamais indifférents aux affaires publiques, nous voyons au premier plan ce qui nous touche de plus près. Ce n’est pas de l’égoïsme, c’est de