Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/94

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Il poursuit à loisir l’idée qui lui semble vraie ; il l’étudie sur toutes ses faces ; il la complète, la tempère, la corrige en toute sécurité, et quand il est content de son travail, il nous l’apporte ou nous l’envoie : « Prenez, dit-il et servez chaud ! » C’est bien facile à dire. Mais si le public n’a plus faim ? ou s’il a faim d’autre chose ? Faudra-t-il pour vous plaire, que nous indisposions nos lecteurs ?

C’est, quatre fois sur cinq, à la suite de nos articles qu’on vient nous suggérer ce que nous avons omis. Nous le savons ; vous ne nous apprenez pas qu’un article de journal est incomplet par essence. Le forgeron qui a frappé dix bons coups sur un fer rouge ne croit pas que la pièce soit faite et parfaite. Il la quitte pourtant et va s’escrimer sur une autre, sauf à reprendre la première en son temps, lorsqu’elle sera retournée au feu. S’il s’obstinait à unir d’emblée tout ce qu’il ébauche, le métal serait bientôt écroui.

Voilà bientôt un siècle que l’esprit public est martelé vigoureusement par la presse. A-t-il gagné à ce travail ? Commence-t-il à prendre figure ? Ressemble-t-il à quelque chose de propre et de civilisé ? Nul n’en doute. Mais sachez qu’on n’est arrivé à ce résultat qu’en portant le marteau sur toutes les aspérités l’une après l’autre. On renfonce aujourd’hui un préjugé, demain un monopole, un abus de la force, une injuste prétention de la fai-