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CAUSERIES.

l’avez consacrée à la destruction d’un valet, qui n’est pas mort.

C’est pourquoi les vrais sages (il y en a bien trois ou quatre à Paris) inscrivent au jour le jour les moindres événements de leur vie. Ils ne se mettent jamais au lit sans noter sur un registre ad hoc leurs actions les plus indifférentes en apparence. Excellente habitude, qui ne coûte pas plus d’un quart d’heure par jour, et qui peut, à l’occasion, vous sauver la tête. Je la recommande aux hommes sans ambition, qui préfèrent l’obscurité de la mort naturelle au trépas éclatant de Lesurques, e tutti quanti.

Ajoutez que le registre en question, si la mode s’en établit, fournira des matériaux précieux à l’histoire. Les journaux imprimés périront tous avant cent ans. Il n’y aura pas une maison particulière, pas un établissement public assez vaste pour loger ces masses de papier noirci, où les annonces, les réclames, les discussions inutiles et les riens prétentieux de la politique étouffent le peu de faits que la postérité trouvera intéressants. Qui sait si les tablettes d’un notaire honoraire ou les mémoires quotidiens d’un négociant retiré ne seront pas l’unique, ou du moins la plus précieuse ressource de l’historien pour l’année 1864 ?

Il faut noter les événements tandis qu’ils sont frais et qu’ils nous intéressent encore. La chose la plus triste ou la plus gaie aujourd’hui ne vous pa-