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CAUSERIES.

gloire des Abel de Pujol et le bonheur du gros public. C’est après avoir possédé à fond ce que les ignorants appellent le dessin, qu’il s’est mis à chercher une chose plus belle, plus précieuse et plus rare : le modelé dans la couleur. Comme Aladin, qui dévalisa le trésor des génies, il a puisé à pleines mains dans ces richesses de la lumière, où Rubens avait fait sa fortune avant lui. Par l’abandon et la vérité des mouvements, par la beauté des conceptions, mais surtout par l’aptitude à voir et à reproduire les jeux infiniment variés de la lumière sur les objets, il est le Rubens de la France.

Ce grand artiste est mort assez pauvre, et le premier aspect de son exposition funèbre m’avait induit à plaindre un peu son légataire universel. On disait qu’un ami du défunt, riche et tout à fait galant homme, avait accepté la succession avant tout inventaire, délivré les legs particuliers, qui n’étaient pas de médiocre importance, et encadré à ses frais une myriade de peintures et de dessins, dont les bordures seules coûtaient environ vingt mille francs. Du diable si j’ai pensé un seul instant que la vente de ces ébauches, de ces esquisses, de ces pochades, de ces croquis, produirait quelque chose comme un demi-million !

La première impression (pardonnez-moi ce blasphème !) était celle qu’on éprouve dans un salon de refusés. Le regard éperdu sautait d’une toile à l’au-