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GAËTANA.

LE COMTE.

Ah ! vous me reprochez mon amour !

GAËTANA.

Faut-il donc que je vous en remercie ? Je pouvais être heureuse, ou du moins tranquille ! Je pouvais vivre dans une douce ignorance de ces passions qui tuent !

LE COMTE.

Et de quoi vous plaignez-vous si vous ne m’aimez pas ?

GAËTANA, à part.

Je ne l’aime pas ! moi !… Va-t’en !

LE COMTE.

Non ! Tu ne m’as jamais aimé ! Tu es plus belle et plus pure, mais plus froide et plus altière que ces montagnes virginales qui portent sur leurs fronts une neige éternelle !

GAËTANA.

Tu mens ! Je suis une femme, aussi faible, aussi folle et aussi déplorable que toutes les créatures de mon sexe !… (Lui prenant la main.) Crois-tu que mon cœur n’ait pas battu bien fort le jour de notre première rencontre ? N’as-tu pas deviné que le son de ta voix éveillait quelque chose d’étrange et de nouveau dans ma pensée ? Lorsque tu jouais cette comédie de réserve et de timidité qui m’a séduite ; lorsque tu affectais d’étouffer tes ardeurs au fond de ton âme, ne voyais-tu pas briller dans mes yeux toutes les flammes d’une passion funeste ? Le jour où tu as bravé en face l’homme qu’on m’avait appris à craindre et à respecter, ne savais-tu pas quel irrésistible empire ton courage maudit te donnerait sur moi ? Et, lorsque tu marchais à l’échafaud, ne comprenais-tu pas, cœur sans pitié, que j’étais trop faible et trop perdue pour te survivre ? Va t’en ! (Elle s’éloigne à droite.)

LE COMTE, allant à elle.

Que je m’en aille ! moi ! lorsque ma vie commence, lorsque le ciel s’éclaire, lorsque tu viens de déchirer le voile qui me cachait tout un horizon de bonheur !… Non ! Tu m’en as trop dit ! Si tu voulais lutter plus longtemps contre moi, enfant que tu es, il ne fallait pas me livrer le secret de ta faiblesse !… Ah ! tu m’ai-