Aller au contenu

Page:About - Gaetana, 1862.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
LES ÉMOTIONS

écoles de Paris un futur médecin, un avocat de l’avenir assez naïf pour prendre ainsi la mouche ? Le niveau des intelligences s’est-il abaissé à ce point depuis dix ans ? Non, ce n’est pas un de vous, c’est plutôt quelqu’un de vos portiers qui s’est dit dans son zèle excessif : On insulte mes locataires !

J’ai su, vers les dernières répétitions, qu’une forte cabale s’armait contre la pièce. Et, faut-il l’avouer ? j’estime tant la jeunesse française, que j’ai souri au lieu de trembler. Quelques étudiants m’ont fait l’amitié de me mettre sur mes gardes ; j’ai insisté pour que la police fût exclue de la représentation. On n’a pas voulu m’écouter ; on a même arrêté une quinzaine de grands enfants qui avaient fait du bruit sans savoir pourquoi. À la première nouvelle de cet accident, j’ai couru les réclamer comme s’ils avaient été de mes amis, et je les ai fait rendre à la liberté sur l’heure. Je ne les connais pas, ils me connaissent peu ou mal. Mais si ces lignes tombent jamais sous leurs yeux, ils auront peut-être un instant de remords. Qu’ils songent à leur première thèse, à leur premier examen, à leur premier concours, à leur première plaidoirie ; qu’ils se figurent autour d’eux un auditoire comme celui qu’ils m’ont fait : peut-être alors reconnaîtront-ils qu’il y a de l’injustice à siffler les gens sans les entendre.

Une dernière observation. Elle ne s’adresse pas aux meneurs, que je n’aurais pas la prétention de convaincre, mais à la foule des jeunes gens honnêtes qui se laissent quelquefois mener. Il se trouve, heureusement pour eux, que l’auteur est un caractère robuste, qui rebondit contre la haine au lieu de s’y briser en