Aller au contenu

Page:About - Germaine.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rompt pas facilement avec trois années de bonheur ; on ne dit pas en se frottant les mains : Dieu soit loué ! mon fils est l’enfant d’une intrigante !

Le comte éprouvait donc un malaise moral, une inquiétude sourde qui contrariait sa passion naissante. Il craignait de lire en lui-même ; il se tenait devant son cœur comme devant une lettre dont on n’ose rompre le cachet.

En attendant, les jeunes époux se cherchaient, se rencontraient, se trouvaient bien ensemble, et remerciaient du fond du cœur ceux qui les empêchaient d’être seuls. Le cercle d’amis qui venait s’asseoir autour d’eux abritait leur amour, comme les grands ormes qui entourent les vergers de Normandie protègent la floraison frileuse des pommiers.

Le salon de réception était au milieu du jardin ; il y pleuvait de petites oranges. Germaine, assise dans son fauteuil, fumait des cigarettes iodées ; le comte la regardait vivre ; Mme de Villanera jouait avec l’enfant comme une grande vieille faunesse noire avec son nourrisson basané. Les amis se balançaient dans ces grands fauteuils à bascule qu’on fait venir d’Amérique. De temps en temps, Mantoux ou un autre valet de la maison servait du café, des glaces ou des confitures, suivant les usages de l’hospitalité orientale. Les hôtes s’étonnaient un peu que la maîtresse de la maison fût seule à fumer dans toute la compagnie. On fume