Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/109

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Le salon même était bourré de monde, ainsi que la salle à manger et jusqu’à la cour de la maison. Amis, étrangers, inconnus se serraient les coudes et attendaient en silence. Mais le silence de la foule n’est pas beaucoup moins bruyant que le grondement de la mer. Le gros docteur Martout, extraordinairement affairé, se montrait de temps à autre et fendait les flots de curieux, comme un galion chargé de nouvelles. Chacune de ses paroles circulait de bouche en bouche et se répandait jusque dans la rue, où trente groupes de militaires et de bourgeois s’agitaient en tout sens. Jamais cette petite rue de la Faisanderie n’avait vu semblable cohue. Un passant étonné s’arrêta, demandant :

« Qu’y a-t-il ? Est-ce un enterrement ?

— Au contraire, monsieur.

— C’est donc un baptême ?

— À l’eau chaude !

— Une naissance ?

— Une renaissance »

Un vieux juge au tribunal civil expliquait au substitut la légende du vieil Æson, bouilli dans la chaudière de Médée.

« C’est presque la même expérience, disait-il, et je croirais que les poëtes ont calomnié la magicienne de Colchos. Il y aurait de jolis vers latins à faire là-dessus ; mais je n’ai plus mon antique prouesse !