Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/129

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couvert de douze personnes. Son compagnon de chaîne, jeune rustaud de dix-huit ans, éclos dans la commune des Sablons, l’assistait de ses deux bras et l’amusait de sa conversation.

« Pour lors, mamselle Gothon, disait-il en posant la pile d’assiettes creuses, c’est comme qui dirait un revenant qu’a sorti de sa boîte pour bousculer le commissaire et le souparfait !

— Revenant si on veut, Célestin ; sûr et certain qu’il revient de loin, le pauvre jeune homme ; mais revenant n’est peut-être pas un mot à dire en parlant des maîtres.

— C’est-il donc vrai qu’il va être notre maître aussi, celui-là ? Il en arrive tous les jours de plusse. J’aimerais mieux qu’il arriverait des domestiques ed’renfort !

— Taisez-vous, lézard de paresse ! Quand les messieurs donnent pourboire en s’en allant, vous ne vous plaignez pas de n’être que deux à partager.

— Ah ouiche ! j’ai porté pus de cinquante siaux d’eau pour le faire mijoter, votre colonel, et je sais ben qu’il ne me donnera pas la pièce, n’ayant pas un liard dans ses poches ! Faut croire que l’argent n’est pas en abondance dans le pays d’oùs qu’il revient !

— On dit qu’il a des testaments à hériter du côté de Strasbourg ; un monsieur qui lui a fait tort de sa fortune.