Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/161

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et sa mère, qui l’attendaient au salon. Les invités étaient partis, les bougies éteintes. Une seule lampe éclairait la solitude ; les deux mandarins de l’étagère, immobiles dans leur coin obscur, semblaient méditer gravement sur les caprices de la fortune.

« Hé bien ? demanda Mme Renault.

— Je l’ai laissé dans sa chambre, plus fou et plus obstiné que jamais. Cependant, j’ai une idée.

— Tant mieux ! dit le père, car nous n’en avons plus. La douleur nous a rendus stupides. Pas de querelles, surtout ! Ces soldats de l’Empire étaient des ferrailleurs terribles.

— Oh ! je n’ai pas peur de lui ! C’est Clémentine qui m’épouvante. Avec quelle douceur et quelle soumission elle écoutait ce maudit bavard !

— Le cœur de la femme est un abîme insondable. Enfin ! que penses-tu faire ? »

Léon développa longuement le projet qu’il avait conçu dans la rue, au milieu de sa conversation avec Fougas.

« Ce qui presse le plus, dit-il, c’est de soustraire Clémentine à cette influence. Qu’il s’éloigne demain, la raison reprend son empire, et nous nous marions après-demain. Cela fait, je réponds du reste.

— Mais comment éloigner un acharné pareil ?

— Je ne vois qu’un seul moyen, mais il est presque infaillible : exploiter sa passion dominante. Ces gens-là s’imaginent parfois qu’ils sont amoureux, mais,