Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/190

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il ne sera pas dit qu’un homme aussi bien tourné est sorti de chez nous en caricature !

— Tonnerre et patrie ! répondait Fougas ; vous avez la tête de plus que moi, monsieur le géant, mais je suis le colonel du grand Empire, et ce n’est pas aux tambours-majors à donner des ordres aux colonels ! »

Ce diable d’homme eut le dernier mot. On lui prit mesure, on ouvrit un album et l’on promit de l’habiller, dans les vingt-quatre heures, à la dernière mode de 1813. On lui fit voir des étoffes à choisir, des étoffes anglaises. Il les rejeta avec mépris.

« Drap bleu de France, dit-il, et fabriqué en France ! Et coupez-moi ça de telle façon que tous ceux qui me verront passer en pékin s’écrient : « C’est un militaire ! »

Les officiers de notre temps ont précisément la coquetterie inverse ; ils s’appliquent à ressembler à tous les autres gentlemen lorsqu’ils prennent l’habit civil.

Fougas se commanda, rue Richelieu, un col de satin noir qui cachait la chemise et montait jusqu’aux oreilles ; puis il descendit vers le Palais-Royal, entra dans un restaurant célèbre et se fit servir à dîner. Comme il avait déjeuné sur le pouce chez un pâtissier du boulevard, son appétit, aiguisé par la marche, fit des merveilles. Il but et mangea comme à Fontainebleau. Mais la carte à payer lui parut de