Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/203

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Prusse et dans un triple cercueil, je rentre avec mon grade ; ainsi le veut la loi militaire. Mais avant trois mois je serai général de brigade, c’est certain ; il a daigné me le promettre lui-même. Quel homme ! un dieu sur la terre ! Pas plus fier que celui de Wagram et de Moscou, et père du soldat comme lui ! Il voulait me donner de l’argent sur sa cassette pour refaire mes équipements. J’ai répondu : « Non, sire ! J’ai une créance à recouvrer du côté de Dantzig : si l’on me paye, je serai riche ; si l’on nie la dette, ma solde me suffira. » Là-dessus… ô bonté des princes, tu n’es donc pas un vain mot ! il sourit finement et me dit en frisant ses moustaches : « Vous êtes resté en Prusse depuis 1813 jusqu’en 1859 ? — Oui, sire. — Prisonnier de guerre dans des conditions exceptionnelles ? — Oui, sire. — Les traités de 1814 et de 1815 stipulaient la remise des prisonniers ? — Oui, sire. — On les a donc violés à votre égard ? — Oui, sire. — Hé bien la Prusse vous doit une indemnité. Je la ferai réclamer par voie diplomatique. — Oui, sire. Que de bontés ! » Voilà une idée qui ne me serait jamais venue à moi ! Reprendre de l’argent à la Prusse, à la Prusse qui s’est montrée si avide de nos trésors en 1814 et en 1815 ! Vive l’Empereur ! ma bien-aimée Clémentine ! Oh ! vive à jamais notre glorieux et magnanime souverain ! Vivent l’Impératrice et le prince impérial ! Je les ai vus ! l’Empereur m’a présenté à sa famille !