Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il avait achetée à Paris, toucha son argent au Trésor et se mit en route pour Dantzig. Il dormit en wagon, parce qu’il avait soupé la veille. Un ronflement terrible l’éveilla. Il chercha le ronfleur, ne le trouva point autour de lui, ouvrit la porte, du compartiment voisin, car les wagons allemands sont beaucoup plus commodes que les nôtres, et secoua un gros monsieur qui paraissait cacher tout un jeu d’orgues dans son corps. À l’une des stations, il but une bouteille de vin de Marsala et mangea deux douzaines de sandwiches, parce que le souper de la veille lui avait creusé l’estomac. À Dantzig, il arracha sa malle noire aux mains d’un énorme filou qui s’apprêtait à la prendre.

Il se fit conduire au meilleur hôtel de la ville, y commanda son souper, et courut à la maison de M. et Mme Meiser. Ses amis de Berlin lui avaient donné des renseignements sur cette charmante famille. Il savait qu’il aurait affaire au plus riche et au plus avare des fripons : c’est pourquoi il prit le ton cavalier qui a pu sembler étrange à plus d’un lecteur dans le chapitre précédent.

Malheureusement, il s’humanisa un peu trop lorsqu’il eut son million en poche. La curiosité d’étudier à fond les longues bouteilles jaunes faillit lui jouer un mauvais tour. Sa raison s’égara, vers une heure du matin, si j’en crois ce qu’il a raconté lui-même. Il assure qu’après avoir dit adieu aux braves