Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/278

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— Eh ! patience, jeune homme ! Tu as le temps d’attendre. Ce n’est pas comme moi : sans la campagne d’Italie qui m’a permis d’attraper le bâton, ils me fendaient l’oreille comme à un cheval de réforme, sous le futile prétexte que j’avais soixante-cinq ans. Tu n’en as pas vingt-cinq, et tu vas passer général de brigade : l’Empereur te l’a promis devant moi. Dans quatre ou cinq ans d’ici, tu auras les étoiles d’or, à moins que le guignon ne s’en mêle. Après quoi, il ne te faudra plus qu’un commandement en chef et une campagne heureuse pour passer maréchal de France et sénateur, ce qui ne gâte rien.

— Oui, répondit Fougas, j’arriverai. Non-seulement parce que je suis le plus jeune de tous les officiers de mon grade, parce que j’ai fait la grande guerre et suivi les leçons du maître dans les champs de Bellone, mais surtout parce que le destin m’a marqué de son empreinte. Pourquoi les boulets m’ont-ils épargné dans plus de vingt batailles ? Pourquoi ai-je traversé des océans de bronze et de fer sans que ma peau reçût une égratignure ? C’est que j’ai une étoile, comme lui. La sienne était plus grande, c’est sûr, mais elle est allée s’éteindre à Sainte-Hélène, et la mienne brille encore au ciel ! Si le docteur Nibor m’a ressuscité avec quelques gouttes d’eau chaude, c’est que ma destinée n’était pas encore accomplie. Si la volonté du peuple fran-