Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/29

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Mlle Sambucco poussa un gros soupir. Léon poursuivit :

« Hélas ! mademoiselle, j’ai bien des fois soupiré comme vous, à l’idée de cette triste nécessité. Vous avez une nièce, la plus jolie et la plus adorable de toutes les nièces, et l’aspect de son charmant visage vous réjouit le cœur. Mais vous désirez quelque chose de plus ; vous ne serez satisfaite que lorsque vous aurez vu courir vos petits-neveux. Vous les verrez, j’y compte bien. Mais verrez-vous leurs enfants ? c’est douteux. Leurs petits-enfants ? C’est impossible. Pour ce qui est la dixième, vingtième, trentième génération, il n’y faut pas songer.

« On y songe pourtant, et il n’est peut-être pas un homme qui ne se soit dit au moins une fois dans sa vie : « Si je pouvais renaître dans deux cents ans ! » Celui-ci voudrait revenir sur la terre pour chercher des nouvelles de sa famille, celui-là de sa dynastie. Un philosophe est curieux de savoir si les idées qu’il a semées auront porté des fruits ; un politique si son parti aura pris le dessus ; un avare, si ses héritiers n’auront pas dissipé la fortune qu’il a faite ; un simple propriétaire, si les arbres de son jardin auront grandi. Personne n’est indifférent aux destinées futures de ce monde que nous traversons au galop dans l’espace de quelques années et pour n’y plus revenir. Que de gens ont envié le sort d’Épiménide qui s’endormit dans une caverne et s’aperçut en rou-