Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Si vous croyez que mon cœur battait moins fort que le vôtre !…

— Oh ! mais moi, c’est autre chose : j’avais peur.

— Et de quoi ?

— J’avais peur de ne pas vous retrouver tel que je vous voyais dans ma pensée. Songez donc qu’il y avait plus de trois ans que nous nous étions dit adieu ! Je me souvenais fort bien de ce que vous étiez au départ, et l’imagination aidant un peu à la mémoire, je reconstruisais mon Léon tout entier. Mais si vous n’aviez plus été ressemblant ! Que serais-je devenue en présence d’un nouveau Léon, moi qui avais pris la douce habitude d’aimer l’autre ?

— Vous me faites frémir. Mais votre premier abord m’a rassuré d’avance.

— Chut ! monsieur. Ne parlons pas de ce premier abord. Vous me forceriez à rougir une seconde fois. Parlons plutôt du pauvre colonel qui m’a fait répandre tant de larmes. Comment va-t-il ce matin ?

— J’ai oublié de lui demander de ses nouvelles, mais si vous en désirez…

— C’est inutile. Vous pouvez lui annoncer ma visite pour aujourd’hui. Il faut absolument que je le revoie au grand jour.

— Vous seriez bien aimable de renoncer à cette fantaisie. Pourquoi vous exposer encore à des émotions pénibles ?