en France quelques éclats de rire : la cérémonie ne perdit rien de sa gravité.
Le coin du cimetière habité par les pauvres est d’un aspect assez original. On ne plante pas sur chaque tombe une croix de bois. On se contente d’enfoncer en terre, en les croisant un peu, les deux bâtons qui ont servi à porter le cercueil. Sur la plus grande de ces deux branches, les parents du mort viennent planter une cruche dont ils brisent le fond. Cette sorte d’offrande est d’une haute antiquité.
Je n’ai pas remarqué que le corps fût mis en erre avec beaucoup plus de ménagements que dans nos cimetières civilisés. Ce sont les mêmes cris : « Pousse ! tire ! à toi ! à moi ! enfonce les pieds ! attention à la tête ! enfin ! l’y voilà ! » Cérémonial grossier, et bien propre à dégoûter les gens de mourir en pays civilisé. Heureux celui qui meurt d’un coup de flèche chez les sauvages ! Il est mangé par ses amis avec respect, ou du moins avec reconnaissance.
On procéda ensuite à une autre cérémonie plus repoussante. On dépouilla la morte de tous les ornements dont on l’avait revêtue. La robe de mérinos bleu qu’on avait fait voir en passant à toute la ville lui fut ôtée ; on la laissa dans une méchante robe noire. On reprit l’oreiller brodé qu’elle avait sous la tête, et on le remplaça par un sac plein de terre. On commença même à lui ôter de mauvais gants blancs qu’elle avait aux mains ; mais un des fils, qui souffrait sans doute comme moi de voir ainsi manier ce corps roidi, fit signe de les laisser. Il ne resta dans le cercueil que quelques fleurs et une pomme, légère provision pour un si grand voyage.