mes, du prix des oignons, ou rendant compte de leur vote de la veille à quelque changeur qui les arrête au passage.
Le changeur a, comme autrefois, sa boutique au marché. Les anciens l’appelaient l’homme à la table. Il n’a changé ni de nom, ni d’emploi, ni de table, depuis le temps d’Aristophane ; seulement, grâce au progrès de la civilisation, il a couvert sa table d’un treillis de fer qui protège les monnaies d’or et d’argent.
À huit heures du soir, en été, le bazar prend un aspect féerique. C’est l’heure où les ouvriers, les domestiques, les soldats, viennent faire emplette de leur souper. Les gourmets se partagent, entre sept ou huit, une tête de mouton de six sous ; les hommes sobres achètent une tranche de pastèque rose ou un gros concombre qu’ils mordent à belles dents, comme une pomme. Les marchands, au milieu de leurs légumes et de leurs fruits, appellent à grands cris les acheteurs ; de grosses lampes, pleines d’huile d’olive, jettent une belle lumière rouge sur les monceaux de figues, de grenades, de melons et de raisins. Dans cette confusion, tous les objets semblent brillants ; les sons discordants deviennent harmonieux ; on ne s’aperçoit pas qu’on patauge dans une boue noire, et l’on sent à peine les odeurs nauséabondes dont le bazar est infecté.
À quelque heure du jour que vous sortiez dans les rues, vous entendrez prononcer deux mots que vous retiendrez bientôt. Ils sont dans toutes les bouches, et l’étranger qui débarque les a appris avant d’avoir fait cinquante pas.