Les hommes et les femmes s’empressèrent autour de notre gîte ; les femmes tenaient leurs enfants de l’année dans une espèce de berceau portatif qui n’est qu’un morceau de feutre plié en deux et bordé de deux bâtons. C’est dans cet équipage et avec leurs enfants pendus au dos qu’elles venaient se grouper devant notre porte. La maison que nous choisissions pour logement devenait aussitôt le centre du village, et la place publique était toujours devant chez nous.
Quelques-uns accouraient par curiosité pure ; c’était le petit nombre : presque tous avaient quelque chose à nous vendre. Les hommes apportaient des médailles, de méchantes pierres gravées et jusqu’à des cailloux blancs de la rivière ; les femmes nous vendaient leurs costumes ; elles nous présentaient, l’une un tablier, l’autre une écharpe, l’autre une chemise, l’autre… je dirais un mouchoir de poche, si je pouvais oublier qu’elles n’ont pas de poche et qu’elles ne se servent pas de mouchoir. Elles nous apportaient ces carrés de soie rouge à grosse frange, qu’elles tiennent à la main, comme des mouchoirs, le jour du mariage ou dans les grandes solennités.
Dans le premier moment, elles n’osaient nous aborder ; elles confiaient leurs intérêts à un homme qui venait traiter avec nous. Mais peu à peu elles prenaient plus de hardiesse, elles arrivaient jusqu’à nous, et elles y gagnaient. L’une disait : « Je n’ai pas de pain. » Une autre : « C’est pour vivre. » Une autre : « Je suis veuve. » Le veuvage, qui n’est pas sans quelques douceurs pour une femme riche, est, chez les gens qui vivent de travail, le résumé de