Page:About - La Grèce contemporaine.djvu/399

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le son d’une scie qui coupe le fer. Leur tapage organisé, à la fois criard et monotone, ne ressemble à rien de connu. Au son de ces quatre instruments, la foule se mouvait en cadence, gravement, lentement, posant un pied, puis l’autre, portant le corps en avant et le reportant en arrière. Un seul danseur s’agite pour tous : c’est celui qui conduit le chœur. À chaque instant, il saute en l’air, il tourne sur lui-même, il fait des ronds de bras, des ronds de jambe, des ronds de tout ; il lance en l’air son mouchoir et son bonnet rouge, et ne s’arrête que lorsqu’il n’en peut plus. Quand il sent que les forces lui manquent, il fait un signe, et dans l’instant il est remplacé. En général, ces fins danseurs sont nu-pieds pour être plus agiles. On voyait auprès des musiciens une riche collection de souliers : c’est le bureau des chaussures, placé sous la garde de la bonne foi publique.

Sur un côté de la place, une quarantaine de femmes étaient assises par terre, et faisaient non pas tapisserie, puisqu’elles étaient libres de danser, mais galerie. Elles n’attendaient pas qu’on les vînt inviter, pouvant fort bien s’inviter elles-mêmes. En France, dans le pays qu’on appelle le paradis des femmes, qu’une fille soit jeune, spirituelle, jolie, reine du bal, elle restera dans son coin, si par hasard l’envie de l’inviter ne prend à personne. Ni sa jeunesse, ni sa beauté, ni son esprit ne pourront l’introduire dans un méchant quadrille où le plus sot cavalier peut la faire entrer. À Kerésova, le sexe faible jouit du plus beau de ses droits, du droit de danser quand il lui plaît. Il est vrai que le lendemain il travaille à la terre, et nos françaises trouveront peut-être qu’il est