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LE PAYS.

du monde, depuis Terre-Neuve jusqu’à Taïti. Dans nos longues promenades sur le pont, mes deux compagnons de voyage me désabusaient à qui mieux mieux, avec une verve désolante, et faisaient tomber mes plus chères espérances comme on gaule des noix en septembre. « Ah  ! me disaient-ils, vous allez en Grèce sans y être forcé  ? Vous choisissez bien vos plaisirs  ! Figurez-vous des montagnes sans arbres, des plaines sans herbe, des fleuves sans eau, un soleil sans pitié, une poussière sans miséricorde, un beau temps mille fois plus ennuyeux que la pluie, un pays où les légumes poussent tout cuits, où les poules pondent des œufs durs, où les jardins n’ont pas de feuilles, où la couleur verte est rayée de l’arc-en-ciel, où vos yeux fatigués chercheront la verdure sans trouver même une salade où se reposer  !  »

C’est au milieu de ces propos que j’aperçus la terre de Grèce. Le premier coup d’œil n’avait rien de rassurant. Je ne crois pas qu’il existe au monde un désert plus stérile et plus désolé que les deux presqu’îles méridionales de la Morée, qui se terminent par le cap Malée et le cap Matapan. Ce pays, qu’on appelle le Magne, semble abandonné des dieux et des hommes. J’avais beau fatiguer mes yeux, je ne voyais que des rochers rougeâtres, sans une maison, sans un arbre  ; une pluie fine assombrissait le ciel et la terre, et rien ne pouvait me faire deviner que ces pauvres grandes pierres, si piteuses à voir dans les brouillards de février, resplendissaient d’une beauté sans égale au moindre rayon de soleil.

La pluie nous accompagna jusqu’à Syra, sans toutefois nous dérober la vue des côtes  ; et je me